TEXTES
Le manque d’espace: tout le travail d’Antonio Gagliardi s’appuie sur cette situation inconfortable.
L’artiste observe que l’homme manque cruellement d’espace face à la forte densité démographique, ainsi que l’architecture prend de plus en plus de place dans le paysage et nous en propose une vision métaphorique avec «les maisons d’oiseaux».
De l’extérieur on passe à l’aménagement de l’espace intérieur avec «les portes ouvertes» qui sont un dédale sans fin dans lequel on tourne en rond. La conscience des dimensions des habitations n’est pas épargnée avec des oeuvres comme «la chaise» où le mobilier envahit l’espace. Cette oeuvre, en deuxième lecture, propose de redonner une forme de vie au bois de la chaise. Cette nouvelle lecture lie l’espace intérieur à l’espace extérieur telle que la déforestation, l’urbanisme galopant, mais surtout le manque d’espace vert.
Antonio Gagliardi s’essaie à toute forme de jardinage du «paysage portatif» aux «greffes» qu’il fait sur son corps, en passant par «mon potager et moi». De ce besoin de cultiver, de cette privation de verdure, de cette séparation naît un regard ironique sur le rapport entre l’homme et la nature. Il est facile de le constater dans «les lapins givrés» ou «Wonderful».
Pour matérialiser ses questionnements Antonio Gagliardi utilise tous les médiums nécessaires à la réalisation de ses projets: végétal, animal, matériaux composites...
Ainsi, ses oeuvres proposent un retour aux choses essentielles avec lucidité, humour, légèreté, mais aussi avec une gravité sous-jacente qui les fait glisser vers une ironie grinçante.
I. C.
Déjà en son temps, Voltaire nous en fit la recommandation par candide interposé : « Il faut cultiver notre jardin». Comme s’il reprenait à la lettre la formule du philosophe, Antonio Gagliardi nous propose toutes sortes de remèdes pratiques aux différents maux qui règnent dans le monde. Les objets et performances qu’il imagine le sont dans la même perspective vitaliste du besoin quotidien de nature.
Philippe Piguet
Truculence et autres élucubrations poétiques
Truculente exposition à la galerie Porte-avion, où Sylvain Ciavaldini et Antonio Gagliardi font expo commune. Same same but different porte bien son nom, puisque les univers de chacun des deux artistes se confondent sans jamais ne faire qu’un…
Truculent : l’adjectif s’applique aussi bien aux œuvres qu’à leur propos et aux artistes eux-mêmes. C’est en effet avec le sourire que l’on parcourt l’exposition des deux compères, qui ont en commun la dérision et l’humour. La vidéo de Sylvain Ciavaldini en est peut-être l’exemple le plus évident, mais les résidences de luxe pour Bernard Lhermitte d’Antonio Gagliardi, coquillages agrémentés de terrasses et baies vitrées, n’ont rien à lui envier…
Au-delà d’une lecture jouissive, d’une facture proche de la BD, du cinéma, de la pub, du recours à la calligraphie flower power et tout ce qu’elle évoque, au-delà de la légèreté qui se dégage de l’ensemble de l’exposition se trame quelque chose de peut-être plus subtil. Les sculptures d’Antonio Gagliardi, structures fragiles, aériennes et d’une poésie infinie, dont les marches montent et descendent pour ne mener nulle part et dont les portes s’ouvrent sur le vide, évoquent « un beau n’importe quoi », à l’image du monde dans lequel nous évoluons nous-mêmes. Ce labyrinthe de l’absurde aux dimensions improbables, sorte de représentation « sisyphienne » d’un aquabonisme affirmé, semble nous dire qu’il vaut mieux en rire…
Sylvain Ciavaldini et Antonio Gagliardi sont en fait deux faiseurs de « plaisantristes »1, deux poètes surréalistes. Coutumier du titre évocateur, du jeu de mot et du barbarisme, Sylvain Ciavaldini sacrifie volontiers le sens à la forme. La série des « machines qui ne servent à rien » (comme disait Jean Tinguely), formes hésitantes entre la sculpture géométrique abstraite, et les engins savants aux mécanismes loufoques d’un professeur un peu dingue, tout comme les Tentatives de formalisation et les Métamorphoses, traitent d’une préoccupation commune à tout les sculptures : la transformation de la matière brute en une forme esthétique et évocatrice, la traduction d’une idée par une forme dans l’espace. Quant aux peintures et aux dessins, s’ils relèvent d’une pratique proche de l’écriture automatique, s’ils rappellent les couleurs et le foisonnement d’un Fabien Verschaere et les phylactères d’une Lily Van der Stokker, ils se résument — et c’est loin d’être réducteur — à une expérience rétinienne qui fait sens…
Céline Ghisleri
Sylvain Ciavaldini & Antonio Gagliardi - Same, same but different : jusqu’au 30/10 à la galerie Porte-Avion (96 boulevard de la Libération, 1er). Rens. www.galerieporteavion.org